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BARRY TUTANKHAMON

BARRY TUTANKHAMON

"le savoir est une patrie et l'ignorance une terre étrangère"


Les grandes gueules de Guinée (Part 2)

Publié par LA VOIX DE LA REPUBLIQUE sur 6 Juillet 2013, 09:32am

A la mémoire de Mme Hadja Loffo Camara


Celui qui ne devait être qu’un simple agitateur politique mais qui a réussi par la magie du verbe à se hisser au plus haut sommet de l’Etat, a laissé une telle empreinte sur ses concitoyens qu’aujourd’hui encore, il reste une source de référence et de comparaison pour des grandes gueules qui croient à tort qu’il suffit d’être bon orateur pour réussir en politique et avoir un destin national. Or ils oublient que Sékou Touré a bénéficié de circonstances sociopolitiques exceptionnelles. Non seulement la Guinée cherchait désespérément à sortir de la colonisation mais la classe politique était pratiquement en apprentissage, sans parler du nombre limité de cadres et de têtes pensantes. Et même dans un tel contexte, il y a eu des hommes et une femme très courageuse en la personne de Mme Loffo Camara pour lui signifier qu’il ne pouvait pas gérer à lui seul tous ces portefeuilles au risque de voir la Guinée plonger dans un abime très profond. Elle a été fusillée et a perdu la vie pour cette simple vérité ! Et ce qui devait arriver, arriva ! Nous sommes dans un trou et depuis plus de cinquante ans, nous n’arrivons pas à remonter à la surface !

Quelle naïveté alors de penser qu’on peut s’inspirer d’un tel bilan ! Mais que voit-on de plus en plus en Guinée aujourd’hui ? Un pays ou les règles ne sont appliquées qu’à ceux qui ne savent pas faire la « grande gueule » ; un pays où ces « grandes gueules »* font la loi et font avancer leurs intérêts personnels au détriment des vrais travailleurs et de l’intérêt général ; un pays où ces « grandes gueules » se répandent dans des verbiages en tous genres pour s’octroyer une position de leadership dans l’administration ou les diverses institutions du pays, et où ils s’enliseront dans la plupart des cas, parce que ne le méritant pas. Tout comme à l’image de leur père spirituel, Ahmed Sékou Touré qui a préféré sauvegarder son intérêt personnel au détriment de l’intérêt supérieur du pays.

Quand on entend certains Guinéens parler, on est franchement ébloui ! Tant ils ont le don de la parole ! Tant ils sont éloquents ! Et dans la plus pure forme de l’improvisation, s’il vous plait ! Et naturellement, vous vous dites que c’est l’intellectuel qui vous parle ! Mais je vous assure, donnez à cette personne une feuille de papier, un stylo et dites-lui de mettre ses idées sur papier ou de produire un document, alors là, c’est la panique. Vous auriez demandé l’impossible !

J’ai été témoin de ce genre de scènes à plusieurs reprises avant de me rendre compte que j’avais à faire à des hâbleurs et qu’il fallait que le travail soit fait par un intellectuel, un cadre sérieux et compétent.

Voilà les réalités qu’on découvre au sein de l’administration guinéenne. Dans la course aux postes, ces hâbleurs sont toujours les premiers à bousculer les autres pour occuper les places mais demandez leur de mettre en place des structures, une organisation, ou de gérer un projet de sa conception à sa mise en œuvre et jusqu’au suivi et vous n’obtiendrez absolument rien d’eux. Si vous êtes dans une réunion avec eux, vous verrez bien qu’on prend un PV mais aux prochaines réunions, personne ne fera cas de ce qui a été discuté la semaine dernière. Tout est fait sur la base de l’improvisation.

Voilà le système que le bouillant et intrépide Ahmed Sékou Touré a bien voulu léguer à la Guinée.


Pour une Commission de vérification et de validation des diplômes

Ce type de comportement est si ancré dans les habitudes que même quand nos compatriotes vont à l’étranger pour se former davantage, ils ont la manie de s’affubler de titres pompeux et superlatifs au moment de leur retour au pays. Certains se font appeler « Docteur » et d’autres portent le plus allègrement du monde le titre de « Professeur ». Je n’ai jamais vu autant de « docteurs » au km2. Personne ne sait où et comment ces diplômes ont été obtenus !

Alors que dans la plupart des cas, les intéressés ont juste obtenu une maitrise (Bac +4) ou un diplôme d’études approfondies (DEA) (Bac+5) dans l’ancienne graduation du système français. Dans la nouvelle graduation, c’est soit ils ont obtenus un Master professionnel (Bac+5), un Master recherche (Bac+5) ou un Master métiers de l’enseignement (Bac+5). Mais n’empêche qu’ils n’hésitent point à porter le titre de « Docteur » une fois de retour au pays. Alors que pour obtenir un doctorat en France, il faut un Bac + 8 ; un diplôme délivré par l’Etat et qui est consacré à la recherche uniquement.

Quand on vient aux Etats-Unis, le système que je connais le mieux, un Bachelor s’obtient généralement après 4 ans d’études universitaires, le Masters généralement 2 ans après le Bachelor et le PHD (Doctor’s of Philosophy) généralement 2 ans après l’obtention du Masters. Généralement, le PHD est consacré à ceux qui optent pour l’enseignement au niveau universitaire ou pour faire de la recherche. Pour ce qui est de la médecine, le cheminement est connu de tous. Et quand on porte le titre de Docteur, il faut de temps à autre faire des recherches et publier les résultats de ces recherches. Je connais très peu de Guinéens qui ont obtenu un PHD ou un Doctorat en médecine ici en Amérique. On peut les compter sur le bout des doigts. Alors quand je vois des gens se faire appeler « Dr un tel », alors cela me fait sourire car je sais que tout cela relève de cette culture née du complexe du diplôme et issue de la fameuse révolution de M. Sékou Touré.

Plusieurs fois j’ai eu à discuter de cette question avec des amis et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il faudra un jour créer en Guinée, une Commission nationale de vérification et de validation des diplômes pour rendre au système guinéen toute sa crédibilité.


Les « grandes gueules » de l’opposition

Ce phénomène qu’on vient de décrire est si répandu que même au sein de l’opposition guinéenne, on est confronté à cette roublardise des grandes gueules. Oui, l’opposition aussi a ses grandes gueules ! Par moments, ils nous sont utiles surtout quand ils arrivent à crier plus haut et plus fort que les « grandes gueules » à la solde du pouvoir. Mais dans bien des cas aussi, ils font montre de leur capacité de nuisance même pour la cause qu’ils prétendent servir.

Le fort d’un hâbleur, c’est de déverser une litanie de paroles sans conséquences et de faire preuve d’une indiscipline totale à l’égard des règles et des autres. Le plus souvent, il dérange car ne connaissant pas sa place et ne sachant pas où se mettre. Il a aussi tendance à bousculer les uns et les autres pour se mettre en avant et chercher à se faire un nom. Et le plus grave, c’est que dans cette avide quête de reconnaissance, il ne se rend même pas compte qu’il n’en a ni les prédispositions, ni la compétence. Or dans un parti politique, surtout dit de l’opposition, la discipline doit être de rigueur aussi bien sur le respect des règles et objectifs définis mais aussi au niveau du respect de la hiérarchie. Pour rappel, c’est parce que Sékou Touré avait voulu violer les règles du PDG en voulant cumuler les fonctions et en voulant coopter ses fidèles au sein du BPN alors que ceux-ci n’appartenaient à aucune structure du parti que Mme Loffo Camara et ses compagnons l’ont rappelé à l’ordre au congrès de Foulaya en 1962.

Il faut observer ce qui se passe aujourd’hui au niveau de l’opposition guinéenne pour se convaincre que certaines personnes en font de trop. Il suffit que l’ADP et le Collectif prennent une décision ou entament une action qui n’est pas de leur goût pour que les critiques fusent de toutes parts. Les uns crient plus fort que les autres dans une telle cacophonie qu’on en vient même à oublier l’adversaire en face qui n’attend qu’une telle occasion pour frapper plus fort et faire avancer son agenda. Or tout le monde doit savoir qu’un parti politique ne se gère pas au gré des humeurs des uns et des autres. S’il fallait tenir compte des desideratas de chaque membre du parti, il y aurait lieu de se demander comment une telle structure peut fonctionner. Il revient à une direction politique légalement constituée et reconnue de mener la danse. Tout autre son de cloche ne devrait être entendu qu’à l’heure du bilan. Pas avant ! L’opposition guinéenne a déjà assez de mal à en découdre avec les forces hostiles du pouvoir pour se préoccuper d’une véritable fronde en son sein.

Mais si maintenant chacun d’entre nous pense qu’il est expert en politique, alors il faut se demander pourquoi ce pays est si en retard aussi bien sur le plan économique que politique.

Et cela expliquerait aussi pourquoi la Guinée n’a été dirigée depuis son indépendance que soit par des « grandes gueules », soit par des soldats de fortune.


Le 1er juillet, 2013

Thierno Sadou Diallo


Note :

* Le terme « grande gueule » fait référence ici à un hâbleur et non à tous ces journalistes et autres spécialistes de la communication qui se l’attribuent comme insigne d’honneur dans l’exercice de leur métier.

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