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BARRY TUTANKHAMON

BARRY TUTANKHAMON

"le savoir est une patrie et l'ignorance une terre étrangère"


Quelle transition politique et quelles perspectives démocratiques pour la Guinée?

Publié le 10 Février 2010, 08:43am

Catégories : #analyses

Conférence-débat organisée par le Centre d’études des mondes africains (CEMAF)

de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en collaboration avec l’OPSA

et le Club-DLG / Samedi 6 février 2010

THEME : Quelle transition politique et quelles perspectives

démocratiques pour la Guinée?

CONTRIBUTION DE NABBIE SOUMAH : L’IMPUNITE SERA-T-ELLE

SACRIFIEE SUR L’AUTEL DE LA TRANSITION ?

« Le bourreau tue deux fois : d’abord par la mort, ensuite par l’oubli ! » selon un axiome, un vieil adage. Le bourreau mise toujours sur l’oubli et l’impunité pour ne pas répondre de ses actes devant la justice.

La transition, relancée après l’accord de Ouagadougou du 15 janvier 2010 dont la valeur juridique suscite des débats et conclu par Blaise Compaoré, le médiateur dans la crise guinéenne, Sékouba Konaté et Moussa Dadis Camara le « chef en titre » de la junte, pose trois équations à résoudre : sa durée, son contenu et les personnes qui l’animeront.

Pour le moment on ne connaît que sa durée qui est de 6 mois, une primature « tricéphale » et la structure du gouvernement que dirigera Jean-Marie Doré, ancien porte-parole des Forces vives qui est une structure tripartite qui représente la véritable opposition à la junte.

Des interrogations demeurent bien que des perspectives heureuses se dessinent en Guinée sous la férule de Sékouba Konaté, ministre de la défense et chef d’Etat par intérim (et non Président car non élu).

Trois sentiments m’habitent ; c’est le triptyque : espoir, soutien et vigilance.

Car certaines forces obscures de la Restauration, rétives au changement et arc-boutées sur de juteuses rentes de situation mal acquises, qui ont intérêt à ce que rien ne change sont tapies dans l’ombre et manœuvrent contre l’intérêt général et l’alternance démocratique. Malgré un bilan désastreux du CNDD qu’elles soutiennent en réalité.

L’impunité est devenu leur allié objectif ; elle concerne à la fois les crimes économiques et toute forme d’atteinte aux droits humains.

Il faut sortir le plus tôt possible de cette transition militaire dévoyée en organisant des élections libres, transparentes et équitables pour que le pouvoir politique en Guinée retrouve les bases de sa légitimité ; surtout pour mettre fin à la dictature, au culte de l’impunité et de l’injustice en y instaurant un réel Etat de droit, des pratiques démocratiques dans nos mœurs politiques.

La tache ne sera pas aisée mais, contrairement à certains, je préfère une après-midi enchantée au fameux « Grand soir » qui ne vient jamais.

Par réalisme et dans le souci d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Parce qu’ il est grand temps de refermer la parenthèse, la page du régime militaire.

Mais avant de tourner une page il faut la lire.

Pour éviter le replâtrage, le maintien de cette caste administrative, militaire, commerçante et affairiste et favoriser aujourd’hui la Renaissance, le changement, le début d’une nouvelle ère empreinte d’espoir et de prospérité, il est urgent et vital de mettre fin à la récurrente impunité dont jouissent ces forces de la Restauration.

Le rapport accablant et nominatif de la Commission d'enquête internationale onusienne aura sûrement des suites judiciaires à l’encontre de la junte guinéenne qui se trouve dans le collimateur de la Cour pénale internationale (CPI).

Cette justice internationale au service de la vérité historique bénéficie de la traque constante des auteurs de crimes contre l’humanité, de génocide et d’une Jurisprudence implacable, notamment la Jurisprudence « Jean-Pierre Bemba » sur le fondement juridique du « principe de la hiérarchie militaire ».

1°) L’IMPUNITE, L’ ALLIEE DES FORCES DE LA RESTAURATION

Malgré son bilan désastreux au niveau de la gestion de l’Etat, malgré ses crimes économiques et humains, le CNDD est soutenu par une coalition hétéroclite et tentaculaire d’affidés favorables au statu quo ; leur allié objectif étant l’impunité.

Il est grand temps d’éradiquer l’accommodement à la culture de l’impunité et de l’injustice, à l’avilissement de la personne humaine en Guinée, à la violence, aux nombreux et répétitifs manquements aux droits de l’Homme depuis les années 50 à l’ère du CNDD.

a) CNDD : un bilan désastreux

Notre pays, malgré ses potentialités naturelles et humaines incommensurables, a enregistré beaucoup de retard sur le plan de son développement économique et social : les ratios concernant les consommations d’eau potable et d’électricité, les soins de santé primaire, la scolarisation et l’alphabétisation restent très insuffisants.

Il est classé parmi les pays les plus corrompus dans le monde selon Transparency International, parmi les derniers pour l’Indicateur du Développement Humain (IDH) et continue encore de faire partie des pays les plus pauvres au monde avec plus de 40% de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté absolue.

La Guinée demeure dans la sous-région, dans la zone Mano River, l’épicentre du trafic humain, des armes, de la drogue et de la fausse monnaie.

Depuis le 23 décembre 2008, on a assisté à :
• l’arrestation ou à la mise à l’écart de presque tous les dignitaires du régime défunt ;
• l’émergence de nouvelles autorités militaires inexpérimentées et démesurément ambitieuses ;
• la prééminence du facteur ethnico-régional dans le processus de recrutement et de promotion des cadres civils et militaires ;
• la volonté inébranlable de la junte de se maintenir au pouvoir au mépris de la volonté du peuple de Guinée et des exigences de la communauté africaine et internationale ;

• la formation des clans militaro-politiques, ce qui a consacré la fin de la discipline, du commandement unifié et de l’esprit de corps dans l’armée guinéenne, au sein des forces de sécurité ;

• l’immixtion grave et intolérable du chef de l'Etat DADIS, au mépris du principe de la séparation des pouvoirs cher à Montesquieu, dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire avec une violation du principe de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction (cf. le dossier du trafic de drogue) ;

• l’usage partisan et personnel des deniers publics : décaissement de centaines de millions de FGN à la Banque centrale au motif fallacieux de dépenses de souveraineté pour acheter les consciences, engloutis dans des Mamaya pour vendre la candidature de DADIS dans la perspective de l’élection présidentielle : par exemple, les 22 chefs de quartiers de N'Zérékoré auraient reçu chacun une 4X4 Toyota double cabine et des chefs de secteurs 450 motos ; le CNDD est devenu ainsi une structure, un « machin » avec des réseaux internes de promotion sociale sur des fondements subjectifs, « identitaires », d’enrichissement personnel, de népotisme, etc… ;

• un système éducatif non performant avec notamment moins de 23 % de réussite au BAC en 2009, alors que l’Ecole a pour rôle de créer des citoyens éclairés ;

• des crimes humains du CNDD : arrestations arbitraires et extrajudiciaires, détention dans des lieux non conventionnels de civils et de militaires à qui on refuse l’assistance d’un avocat et la visite de parents ; tortures ; meurtres ; viols qui provoquent des traumatismes inaltérables sur les plans physique, affectif et mental.


b) Une coalition hétéroclite et tentaculaire favorable au statu quo


« La vertu se perd dans l’intérêt, l’opportunisme comme les bras des fleuves se perdent dans la mer ! ».

Mon cursus social m’interdit certains parcours contrairement à certains de nos compatriotes, notamment ceux qui résident en France qui, malgré les viols et massacres de pacifiques manifestants au stade du 28 septembre, continuent d’enjamber la mare de sang et la dépouille de nos martyrs afin d’assurer une hypothétique promotion sociale.

Il y a le prix que certains attachent à leur honneur, à leur dignité, à leur reniement, à leur consumérisme, à leur ralliement à DADIS et au CNDD à qui ils témoignent une bienveillante servilité. C’est un vil prix. Ceux qui essaient désespérément de donner un vernis de respectabilité à des tueurs et violeurs en masse ; notamment avec le fallacieux alibi que DADIS est bon, est un « ange » que son entourage aurait induit en erreur.

Mais notre pays, derrière sa molle couche de corrompus, d’opportunistes, de recyclés permanents a des ressorts moraux insoupçonnés.

L’histoire, ce juge incorruptible, qui fait son chemin avec le temps, interrogera un jour, chacun des Guinéens, sur ses responsabilités lorsqu’il avait été confronté à ce défi devant son destin.

Le CNDD est soutenu par une coalition hétéroclite et tentaculaire, de sbires, d’affidés venus d’horizons divers :

• Des « intelligences » au service d’une mauvaise cause, mais ne dit-on pas que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ? » ;

• Les rebus et les imposteurs de la diaspora cherchant une place au soleil ;

• Les recyclés du système Conté ;

Des partis politiques « alimentaires » venus se créer et se greffer au CNDD ;

Des partis politiques existants venus servir de supplétifs pour le CNDD ;

• Ceux qui ont trahi leur structure partisane originelle, dénommés les « Transhumants » ;

• Ceux qui croient que c’est au tour de leur ethnie ;

• Ceux qui ont des préoccupations alimentaires très prononcées ;

• Ceux qui ont des rentes de situations juteuses à préserver ;

• Ceux qui veulent exister, qui ne supportent pas l’ombre, l’anonymat, l’effacement ;

• Ceux qui préfèrent le maintien de DADIS ou d’un autre militaire au pouvoir à la victoire d’un rival politique ;

• Ceux qui empruntent toujours des raccourcis et des mauvaises routes politiques pour tenter de devancer leurs concurrents ;

• Ceux qui ne supporteraient pas qu’un leader politique issu de la diaspora accède à la magistrature suprême ;

• Ceux qui estimaient qu’un pouvoir ne se transmets pas et qu’il fallait que DADIS le conserva à tout prix comme ses prédécesseurs, même malades et incapables quitte à l’instrumentaliser comme Lansana Conté le fut en fin de vie (cf. les décrets falsifiés).

c) Le devoir de mémoire et la justice sacrifiés

Des familles pleurent encore des morts, des disparus, soignent des blessés et des victimes de viols, de la violence d’Etat depuis les années 50 à nos jours.

Trois ans après le carnage du 12 juin 2006 et celui du 22 janvier 2007, les auteurs et les commanditaires de ces tueries courent toujours.

Cet anniversaire a été passé sous silence par les nouvelles autorités du pays, les Forces vives et les grands acteurs de la scène politique.
Pour tromper l'opinion nationale et internationale, les autorités avaient mis en place une commission d'enquête nationale mais elle n'a jamais fonctionné faute de dotation financière de la part du gouvernement de Lansana Kouyaté, l’ancien Premier ministre de consensus.

Le vendredi 22 janvier 2010, le Mouvement des jeunes guinéens de France (MJGF) a déposé une gerbe de fleurs à l’ambassade de Guinée à Paris pour rendre hommage aux victimes (plus de 300 personnes en majorité des jeunes) et réclamer que justice leur soit rendu.
Par ailleurs, nous venons d’assister à la manifestation d’une justice nationale laxiste et aux ordres du pouvoir militaire avec le verdict ignominieux de la commission nationale d’enquête indépendante (qui n’est indépendante que de nom) sur les évènements du 28 septembre, mise en place par l’Ordonnance N° 053/PRG/SGG du 7 octobre 2009.

Cette CENI a rendu, en effet, sa conclusion le mardi 2 février 2010 par l’entremise de Siriman Kouyaté. Elle a absous, disculpé les forces de sécurité et inculpé Aboubacar Toumba Diakitéet ses hommes, mis en cause tous les leaders politiques présents au stade le 28 septembre dernier et victimes d’exactions. C’est le comble du cynisme : le bourreau se mue en justicier !

Il n’est pas inutile de rappeler qu’un membre de cette CENI, Mme Juliette Tolno la négationniste, avait nié l’existence de ces viols : « il n’y a jamais eu de viol le 28 septembre (…) des femmes ont été payées 40 euros pour faire de faux témoignages »..

Enfin, on note un curieux oubli des événements de septembre 2009 dans les 12 points de l’accord de Ouagadougou du 15 janvier dernier.

Paradoxalement, pendant qu’à Conakry on disculpe des criminels et violeurs, de jeunes Guinéens, qui étaient indignés et révoltés à juste titre par les massacres du 28 septembre et avaient saccagé sous le coup de l’émotion les locaux de l’ambassade de Guinée à Paris, vont être jugés au TGI de Paris le 08 février 2010. Tout ceci témoigne d’une disproportionalité, d’une forme d’injustice.

En conclusion, les producteurs de violence continuent de bénéficier en Guinée d’une totale impunité et tout est fait pour qu’un drap d’oubli soit jeté sur leurs méfaits. Au détriment du droit à la vérité, à la justice et à la réparation.

2°) LA JUSTICE INTERNATIONALE AU SERVICE DE LA VERITE HISTORIQUE

a) La traque des criminels et la Jurisprudence internationale implacable

A l’inverse de la Guinée, l’identification, l’arrestation et le jugement d’auteurs de crimes contre l’humanité s’opèrent sans relâche au sein de la communauté internationale. Les exemples sont nombreux.

L’Espagne avait accepté de regarder à nouveau son passé en face grâce à l’iconoclaste magistrat Balthasar Garzon. Ce dernier avait ouvert une instruction le 17 octobre 2008 après avoir accepté d'étudier les plaintes déposées par les familles des disparus du franquisme pendant la guerre civile ; ces victimes seraient au nombre de 114 266 et 19 fosses communes auraient été identifiées. Dans l’acte introductif qu’il avait dressé, le juge Garzon estima que « la répression franquiste ne peut en aucun cas être prescrite ; les crimes contre l’humanité ne peuvent être prescrites, échapper à toute limite temporelle ».

Au Chili, le général Augusto Pinochet (1915-2006), fut arrêté le 16 octobre 1998 dans une clinique à Londres à la suite d'une plainte internationale pour « génocide, terrorisme et tortures » ; il fut inquiété, ébranlé judiciairement mais mourut sans avoir été jugé pour les plus de 3 000 morts et disparus, plus de 27 000 torturés, des dizaines de milliers d’arrestation de dissidents.

En Argentine, un juge fédéral avait déclaré inconstitutionnelle une amnistie présidentielle concernant l’ex-Président Jorge Rafaël Videla qui fut finalement jugé et déclaré coupable en 1985, avec huit autres leaders de la junte pour enlèvements, tortures et meurtres.

L’Afrique du Sud avait établi en 1995 la « Commission vérité et réconciliation »pour faire face aux crimes commis pendant l'apartheid.

Hissein Habré, qui vit en exil au Sénégal, fait l’objet d’une plainte pour crimes contre l’humanité et crimes de torture. Pour favoriser et accélérer son procès, le Sénégal a du réviser sa constitution le 23 juillet 2008.

Depuis septembre 2004, des poursuites de crimes commis ont été instruites en Afrique par la CPI. Trois d'entre elles l'ont été à la demande des gouvernements concernés (Ouganda, République démocratique du Congo et République centrafricaine), la quatrième (Soudan) ayant été déférée à la Cour par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Treize mandats d'arrêt ont été délivrés dans le cadre des situations en Ouganda contre les dirigeants de l’armée de résistance du Seigneur de guerre Joseph Kony, en RDC contre MM. Lubanga, Katanga, Ngudjolo et Bosco Ntaganda, en Centrafrique contre Jean-Pierre Bemba ainsi qu'au Soudan contre le Président Omar Al Bashir, poursuivi depuis le 4 mars 2009 pour crimes de guerre et crime contre l'humanité durant la guerre civile au Darfour.

À ce jour, quatre personnes, toutes originaires de la RDC, sont détenues : MM. Lubanga, Katanga, Ngudjolo et Bemba.

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSS) a rendu, lundi 26 octobre 2009, son ultime verdict à Freetown en condamnant en appel trois ex-chefs rebelles pour « crimes de guerre » et « crimes contre l'humanité » Augustine Gbao, Morris Kallon et Issa Hassan Sesay, respectivement à 25, 40 et 52 années d'emprisonnement.

Dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, voisin de la Guinée-Conakry et du Liberia, 120.000 personnes sont mortes et des dizaines de milliers ont été mutilées en une décennie de guerre civile (1991-2001) marquée par toutes sortes d'atrocités.

Les trois hommes étaient initialement poursuivis au côté du fondateur du Revolutionary United Front (RUF), Foday Sankoh (1937-2003) qui est décédé en détention préventive avant d'être jugé.

Ce tribunal spécial, établi en 2002, doit fermer ses portes après cet ultime jugement prononcé à Freetown.

Le seul autre procès du TSSL encore en cours se tient aux Pays-Bas, pour raisons de sécurité : l'ancien président libérien Charles Taylor y est jugé pour son implication dans cette guerre civile. Après avoir été incarcéré à La Haye en juin 2006, il a été le premier chef d’Etat africain jugé par un tribunal pénal international pour crimes contre l’humanité et 11 chefs d’accusation.

D’autres tribunaux seront créés par le Conseil de sécurité : pour l'ex-Yougoslavie, le TPIY institué le 25 mai 1993 ; pour le Rwanda, le TPIR mis en place le 8 novembre 1994 ; et pour le Liban après l’assassinat de Rafiq Hariri, le 14 février 2005.

La Cour suprême du Pérou a confirmé à l'unanimité, le 7 avril 2009, la condamnation à 25 ans de prison de l'ancien président Alberto Fujimori. Ce tournant essentiel dans la lutte contre l'impunité au Pérou montre que « personne n'est dispensé de rendre compte de ses actes », déclara Amnesty International.

Ceci est un précédent dans les efforts réalisés au Pérou et dans tout la région de l’Amérique latine afin d’éliminer la profonde impunité et promouvoir plus largement les droits à la vérité, à la justice et à la réparation.

L'ex-ministre israélien des Affaires étrangères Tzipi Livni, a dû annuler en décembre 2009 une visite à Londres après avoir été informée qu'elle était sous le coup d'un mandat d'arrêt émis par un tribunal britannique à la suite d'une plainte sur la base de la « Compétence universelle » pour son implication dans la guerre israélienne dans la bande de Gaza il y a un an.
L'ancien Premier ministre britannique Tony Blair est venu s'expliquer sur l'engagement britannique en Irak le vendredi 29 janvier 2010 durant environ six heures devant la commission d'enquête de Sir John Chilcot.

Pour exorciser la violence politique en Guinée un devoir de mémoire contre l'impunité s’impose comme ce fut le cas l’année dernière avec le procès des « Khmers rouges » au Cambodge.

b) La junte dans le collimateur de la CPI

Saisis par des familles de victimes à Conakry et disposant de preuves accablantes, Maîtres Jacques Vergès et Jean-Louis Keita avaient convié à Paris le lundi 19 octobre dernier la presse internationale, avec pour objectif la prise en charge de plaintes contre la junte.
La Guinée ayant ratifié le Statut de Rome qui a institué la CPI, cette dernière est sur la brèche ; elle n'est compétente que si l'une des trois conditions suivantes est remplie :

• l'accusé est ressortissant d'un Etat partie au statut ou qui accepte la juridiction de la CPI ;

• le crime a été commis sur le territoire d'un Etat partie ou qui accepte la juridiction de la CPI ;

• la saisine par un Etat partie au statut de Rome, le Procureur ou le Conseil de sécurité des Nations Unies en vertu du chapitre VII.

Ces conditions sont totalement remplies pour le cas d’espèce guinéen.

Le rapport accablant et nominatif de la Commission d'enquête internationale onusienne aura sûrement des suites judiciaires à l’encontre de la junte guinéenne.

L’étau se resserre autour d’elle, Luis Moreno-Ocampo, le Procureur général de la CPI, ayant rendu publique l’ouverture d’un « examen préliminaire » et décidé d’envoyer à Conakry la Procureur aux poursuites la gambienne Fatou Bensouda.

Auparavant l’ONG Human Rights Watch avait qualifié les faits du 28 septembre de crime contre l’humanité : des viols individuels et collectifs, des agressions sexuelles avec les mains et des objets tels que des bâtons, des matraques, des chaussures, des crosses de fusil et des baïonnettes. Après l’épisode de violence qui s’est déroulé dans le stade, de nombreuses femmes ont été retenues dans des résidences privées et ont subi des viols collectifs pendant des jours.
Le Secrétaire général des Nations-Unies, Ban ki-Moon avait de son côté envoyé à Conakry du 25 novembre au 4 décembre 2009 une équipe de trois enquêteurs composée de l'ancien chef de la diplomatie algérienne, ancien Président de la Cour internationale de justice de la Haye, M. Mohamed Bedjaoui ; de Mme Ngendahayo Kayiramirwa plusieurs fois Ministre des Droits de l’homme au Burundi, également ancienne conseillère auprès du TPI pour le Rwanda ; et enfin la mauricienne Pramila Patten, avocate et auteur de maintes publications sur les violences faites aux femmes.

Auparavant, il y avait dépêché du 16 au 20 octobre 2009 une mission de reconnaissance dirigée par le secrétaire général-adjoint de l'ONU aux affaires politiques, l'éthiopien Haïlé Menkerios pour demander la coopération de la junte aux travaux de la commission.

Tout ceci afin d’élucider le crime le plus odieux jamais commis sur le sol guinéen en 51 ans d'indépendance, en vue de faire la lumière sur les douloureux événements du 28 septembre 2009 au cours desquels entre 57 et 157 militants de l'opposition ont perdu leur vie, plus 1 200 blessés, des dizaines de femmes violées et de nombreux disparus.
Ban Ki-Moon, a déjà remis le rapport d'enquête à l'Union africaine, la CEDEAO et le Conseil de sécurité des Nations-unies, en vue de prendre les décisions qui s'imposent, chacun en ce qui le concerne.

Le Secrétaire général a également saisi cette opportunité pour rappeler au gouvernement guinéen ses obligations pour protéger les victimes et les témoins, dont ceux qui ont coopéré avec les 3 enquêteurs de l'ONU.

La commission a pu auditionner 564 victimes et témoins des évènements du 28 septembre, visité des familles des victimes portées disparues.

Par ailleurs, elle a conclu que la Guinée a violé plusieurs dispositions des conventions internationales des droits de l’Homme qu’elle avait ratifiées. N’en déplaise aux nationalistes ombrageux et « souverainistes » primaires ; la souveraineté nationale est de nos jours « partagée » et non plus « intégrale » eu égard à l’intégration régionale, à l’idéal panafricain et au principe de la hiérarchie des normes qui accorde la primauté des traités internationaux ratifiés sur notre droit national.

c) La Jurisprudence « Jean-Pierre Bemba» contre les criminels et violeurs guinéens ?

La CPI a ordonné lundi 15 Juin 2009 le jugement de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la RDC, pour cinq chefs d'accusation dont crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par sa milice en République centrafricaine :

« Il y a des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que Jean-Pierre Bemba est pénalement responsable, pour avoir effectivement agi en qualité de chef militaire, des crimes de meurtre, de viol constituant un crime de guerre et un crime contre l'humanité, de torture et d'atteintes à la dignité de la personne ».

L’accusation s’est basée sur le fondement de la hiérarchie militaire, comme semble l’invoquer Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba afin de se disculper pour avoir reçu des ordres de la part de Moussa Dadis Camara.

Toumba, en fuite depuis le 3 décembre 2009 jour où il a tiré sur le chef d’Etat, selon lui, a déclaré jeudi 05 février 2009 sur les ondes de la radio RFI avoir agi sur ordre de ce dernier.

Alors que la CNEI le rend seul responsable du massacre au stade de Conakry, Toumba Diakité veut faire entendre sa voix et se dit prêt à se rendre devant la commission d'enquête internationale, voire la CPI : « Je suis prêt à me rendre devant la Commission d'enquête internationale voire même devant la Cour pénale internationale (…) la justice nationale est purement dépendante de l'exécutif en place et n'a aucune crédibilité (…) je préfère la Cour pénale internationale, la commission d'enquête nationale veut faire de moi un bouc émissaire (…) je ne me reproche de rien parce que l'armée, nous sommes sous ordres. C'est clair ! Je ne peux en aucun me permettre de prendre un groupe de militaires et agir. L'armée, c'est la hiérarchie, c'est les ordres. ».

Il fait donc davantage confiance à la juridiction internationale qu’à celle de son pays.

La CPI a qualité pour agir en cas d’inaction, de défaillance, d’iniquité des tribunaux d’un Etat signataire du Statut de Rome ; c’est le cas de la Guinée au regard des conclusions de la CENI du mardi 02 février 2010. Seule la justice pénale internationale pourra élucider les événements tragiques que le peuple guinéen a subi, lui rendre justice et mettre fin à l’impunité récurrente dans notre pays.

CONCLUSION :

Les Forces vives et Sékouba Konaté cristalliseraient aujourd'hui l'espoir de tout le Peuple de Guinée et de l'ensemble de la Communauté internationale ; ils devraient créer un cercle vertueux où les militaires et la classe politique accepteront de jouer le jeu démocratique. Comme ce fut le cas au Ghana avec Jerry Rawlings.

On les jugera à l’aune de leur perspicacité ainsi qu’à leur capacité de se retrouver autour de l’ essentiel pour sortir la Guinée de l’ornière après plus de 51 ans d’indépendance, de misère, de désespérance sociale.

Sékouba pourra-t-il gérer les impératifs sécuritaires, respecter ses engagements initiaux pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel. S’il y parvient, il entrerait à coup sûr dans l’Histoire ; la grande, pas celle des arrière-cuisines où se mitonne la tambouille.

Pour ce qui est du devoir de mémoire, des Guinéens et moi-même avions créé le « Club Guinée Mémoire » une structure à vocation mémorielle dès l’attribution du nom « Sékoutouréya » au palais présidentiel. La thérapie adéquate, judicieuse que j’ai toujours appeler de mes vœux est une introspection collective quelle que soit la formule choisie et/ou des poursuites judiciaires en vue de réparer tout préjudice matériel, moral ou autre si certains concitoyens ont des preuves irréfutables de la commission de crimes, d’exactions à l’encontre d’un des leurs.

Ce n’est pas un appel à la rancœur, ni à la vengeance mais tout simplement pour la quête de la vérité, pour exorciser les frustrations et apaiser les cœurs.

Notre pays est-il différent des autres où des exactions, des atteintes graves et constantes aux droits de l’Homme ont été commises ? Je ne le crois guère car la Guinée n’est pas sur un autre planète malgré la singularité, la particularité de ses réalités sociologiques et de son histoire.

L’histoire de notre pays est durablement marquée par l’arbitraire, les arrestations extrajudiciaires, les disparitions, la torture, la violence politique. Certaines mauvaises habitudes y sont fortement tenaces, y ont la vie dure, comme la moule qui s’accroche à un rocher.

C’est peu de dire que la Guinée n’est pas encore sortie de l’auberge. Et il faut sans doute que chacun des protagonistes du processus de sortie de crise déploie des trésors d’ingéniosité pour que se dissipent certains sombres nuages qui pèsent sur cette transition.

La nouvelle ère et la recherche de solutions pour le retour à l’ordre constitutionnel ouvriront plusieurs voies qui susciteront l’éclosion de nouvelles initiatives au plan politique avec, en toile de fond, la recomposition du paysage politique guinéen.

L’objectif ultime reste le retour à l’ordre constitutionnel, la mise en place d’institutions fortes et démocratiques et un Président bien élu pour nous épargner des troubles, des violences post-électorales ; ceci avec des différences d’approche quant à la manière de conduire la transition, son contenu, ses organes et le chronogramme du processus ; avec la recherche de solutions négociées, inclusives, consensuelles et apaisées, fondées sur les vertus du dialogue et de la concertation, à l’exclusion de toute forme de violence.

En somme, œuvrer à la formation d’un esprit républicain et citoyen dans une Guinée nouvelle, enchantée et confiante en l’avenir avec des perspectives heureuses.

Que Dieu préserve la Guinée !

Nabbie Ibrahim « Baby » SOUMAH

Juriste et anthropologue guinéen

nabbie_soumah@yahoo.fr

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