Il y a quelques années, Monsieur Boubacar Yacine DIALLO, alors directeur du bimensuel L'ENQUÊTEUR, signait dans son journal, un éditorial intitulé « Alpha CONDE, un possible tyran ». Récemment, au sujet de l'affaire Bolloré-GETMA, homme d'affaires français connu, et ami personnel du tout nouveau président guinéen, le quotidien français France-Soir du 29 Mars 2011, sous la plume de M. Airy Routier écrit « . Fraîchement élu à la tête de la Guinée, grâce au savoir-faire d'Euro RSCG, filiale de Bolloré, Alpha Condé a donné, manu militari, la concession du port à Bolloré ».
Toujours à propos de ce qu'il faut désormais appeler, le scandale Alpha CONDE, une enquête exclusive de l'hebdomadaire français « Nouvel Observateur » du Jeudi 24 Mars 2011, commence ainsi : « Port de Conakry, extérieur nuit. Le 8 Mars, aux alentours de 21 heures, une escouade de policiers et de militaires, kalachnikovs en bandoulière Le commando saute sur les bureaux ».
Ainsi donc, à quelques années d'intervalle, la remarque prémonitoire de notre compatriote est partagée par une grande partie de la presse française. Les grands journaux (Le monde, le Nouvel observateur, France-Soir .) pourtant liés aux oligarques comme M. BOLLORE et autres, découvrent à leur tour, le penchant quasi-naturel du tout nouveau Maître de Conakry pour des méthodes violentes, de type militaire, même pour de simples contentieux commerciaux. Les maires, élus municipaux, soupçonnés de ne pas être du côté du R.P.G. (parti de M. Alpha Condé) sont renvoyés par décret et remplacés par des fonctionnaires, tous militant au parti présidentiel. Pourtant, les élus des collectivités territoriales tiennent leur fonction des mêmes suffrages que ceux au nom desquels le président s'est installé au palais de Sékhoutouréya. Les imams autrefois choisis par les fidèles des mosquées, sont désormais désignés par décret présidentiel. Pourquoi ne révoquerait-il pas l'archevêque de Conakry ou de KANKAN ? Aucun secteur de la vie culturelle, religieuse et politique n'échappe à la règle de nomination par décret.
Nous sommes donc en face d'un fait tout à fait nouveau : un obscur totalitarisme rampant, par fonctionnarisation généralisée de la vie politique, religieuse et culturelle de notre pays.
Un fonctionnaire obéit. Il obéit aux ordres de celui dont il tient sa fonction. Dans notre pays, sa carrière professionnelle et sa vie personnelle, dépendent du degré de servilité dont il fera preuve à l'égard de celui qui a le pouvoir de décret et donc de révocation. De fait, tous les Nommés par décret se transforment un jour ou l'autre en agents électoraux potentiels du président.
Les fonctionnaires ne sont pas automatiquement serviles à l'égard du Parti-Etat qu'est devenu le R.P.G. Mais, ne bénéficiant d'aucune protection juridique statutaire, ils sont dans une précarité permanente. Leur marge de manœuvre se réduit à cette terrible alternative suivante : servilité à l'endroit du pouvoir contre statut de fonctionnaire, ou loyauté à l'égard des populations avec comme conséquences immédiates, une révocation et l'inévitable déchéance sociale qui s'en suivra. Car la révocation par décret est la contrepartie habituelle de toute velléité de loyauté à l'égard des citoyens dans l'exercice d'une fonction publique sous nos latitudes. Et puisque tout est contrôlé par l'Etat, perdre son statut de fonctionnaire, c'est exposer sa famille, à une vie non pas de pauvreté, mais de misère matérielle et morale.
La réalité a rejoint l'intuition prémonitoire. La prémonition n'était donc pas un procès d'intention, mais l'expression d'un discernement anticipé. Car, cinquante années de vie consacrée à l'activisme communiste agressif, parfois militarisé dans la sous-région ouest africaine, ne pouvait faire de M. Alpha CONDE un homme d'Etat réfléchi, modéré, mais plutôt un revanchard « ethniste », agressif et violent. Il n'y a donc pas de surprise, ni étonnement. Notre nouveau président se révèle être ce qu'il a toujours été : un authentique communiste retors, habité par le désir effréné de jouir d'un pouvoir que le « général » Sékouba Konaté, par solidarité ethnique, lui a donné, alors qu'il était éliminé de la compétition électorale par les urnes, dès le premier tour.
Par honnêteté, précisons que ses concurrents (Sidya Touré et Cellou Dalein DIALLO), tous les deux, authentiques enfants du pays, n'ont pas mis beaucoup d'ardeur à défendre les droits que leurs compatriotes leur avaient donnés dans les urnes au premier et au
second tour. Ayant vécu de l'intérieur la fausse élection, mais vraie cooptation de M. Alpha CONDE, il m'a semblé que les deux principaux concurrents du président coopté, obéissaient plutôt aux fariboles que leur racontait la « communauté » dite internationale qui par ailleurs les considère, parfois à juste titre, comme des « leaders » immatures. L'acceptation au second tour, à la tête de la C.E.N.I.(commission électorale nationale indépendante), contre toute légalité constitutionnelle d'un général malien corrompu, est l'illustration parfaite de cette immaturité. Car dans n'importe quel pays d'AFRIQUE NOIRE, cette élection aurait été annulée. Mais les financeurs ( la Communauté dite internationale) ayant pré-coopté M. Alpha CONDE, il fallait s'arranger pour que l'heureux coopté soit déclaré « élu ». Je serai heureux d'être démenti sur ce point.
Et dans une Guinée intellectuellement arriérée, dépourvue de classe politique vigoureuse, déterminée à récupérer la TERRE des Ancêtres par tous les moyens, le triomphe d'une autocratie patrimoniale prédatrice est presque une fatalité. Le nouveau président et son clan, essentiellement composé des plus grands prédateurs du temps de M. Lansana Conté, s'y emploient déjà. Nul doute qu'ils y parviendront.
L'attribution militarisée du port autonome de Conakry à M. Vincent BOLLORE, en raison du caractère opaque de l'opération, cache vraisemblablement des choses incompatibles avec l'intérêt bien compris de notre pays. En effet, il n'est pas habituel, même dans les républiques bananières noires africaines, que par une opération commando militarisée, on attribue une unité économique, industrielle ou pas, à un « ami » fortuné, fût-il membre de l'oligarchie économique française. M. BOLLORE est un homme d'affaires, pas un philanthrope. Rien à lui reprocher. Il saisit les opportunités qui lui sont offertes. Cependant, on peut s'interroger sur la nature des liens si particuliers entre le président et son ami fortuné, au point de lui offrir par commando militaire interposé, le port autonome de Conakry et peut-être d'autres avantages mettant en cause la relative souveraineté de notre pays. Disant cela, je ne prône guère un faux souverainisme économique et politique qui n'est qu'un petit TRUC visant à amadouer les nigauds. Mais on peut être ouvert sans museler sa propre population, être un libéral en économie (ce que je suis), sans hypothéquer durablement le futur de son pays. Or dépourvu de la moindre culture économique, le nouveau président conduit inexorablement notre pays dans une impasse économique. Je suis intrigué (je ne suis pas le seul) par le fait que M. BOLLORE veuille avoir un monopole absolu sur l'ensemble des accès maritimes de l'Afrique de l'Ouest. Et la facilité avec laquelle notre nouveau président cède toutes les activités économiques à ses « amis », toujours les mêmes, devrait interpeller tous les citoyens Guinéens, quelle que soit leur appartenance partisane. Sur ce point, l'absence de curiosité des « leaders » de l'opposition est troublante. Et il n'y a pas de procès d'intention à exprimer publiquement par écrit ses doutes sur la pertinence des choix économiques. Je serai le premier à applaudir, si M. BOLLORE décidait d'investir significativement dans l'agriculture vivrière et d'exportation. C'est cela, selon moi, dont la Guinée a besoin.
Lobsession minière de notre président n'a rien de rassurant. On doit s'en inquiéter. Ses gesticulations minières débridées visent selon moi, à faire signer hâtivement des contrats d'exploitation contre des dessous de table, avant l'instauration d'une vraie Assemblée Nationale qui, elle, aura la légitimité populaire l'autorisant à valider ou récuser tout engagement durable de notre pays dans un contrat. Le consentement du C.N.T. (conseil national transitoire) n'a aucune valeur juridique. L'institution elle-même ne peut se référer à une base juridique fondant son existence ou son maintien. C'est juste une assemblée parentale déguisée, et donc dépourvue de toute légitimité à se prévaloir d'une quelconque représentativité nationale. Ses membres sont cooptés entre parents, cousins, cousines, frères, sœurs et parfois alliés d'affaires. S'ils portaient uniformes et fusils, on parlerait de putschistes. Je subodore donc que l'Enseignant de Droit public Alpha CONDE le sait parfaitement. C'est aussi pour cela que Mme Rabiatou Sera DIALLO qui a fait beaucoup de mal à la jeunesse guinéenne est l'objet d'infinies attentions, mais en dollars et Euros. Brandir un prétendu code minier qui aurait été approuvé par une « assemblée » de parents, est plutôt cocasse, venant d'un « Professeur » de Droit. C'est aussi la preuve que notre pays est abandonné par ses propres enfants. Et c'est là où personnellement réside mon inquiétude.
En effet, M. Alpha CONDE, coopté comme président d'un pays auquel il n'est pas attaché et avec lequel il n'a pas d'attache, s'y comporte naturellement en autocrate arrogant. Les vrais enfants du pays, résignés, acceptent leur humiliation comme une fatalité. Exemple : il m'a été rapporté qu'à SIGUIRI, région nord-est de la Guinée, l'exploitation artisanale de l'or a été interdite aux autochtones, parce que, une société minière étrangère en aurait obtenu le monopole. Or aussi loin qu'on remonte dans le temps, les populations du Mandé ont toujours extrait de l'or, en plus de leur occupation agricole. Des punitions corporelles auraient été infligées à des personnes (femmes et hommes) qui ont refusé de renoncer à cette activité économique ancestrale. Tout se passe donc comme si on interdisait l'élevage traditionnel au FOUTA, ma région natale, au motif que des fermes industrielles étrangères doivent en avoir le monopole.
On peut perdre son pays, c'est-à-dire y être considéré comme un citoyen de seconde zone. L'installation par cooptation de M. Alpha CONDE à la tête de notre pays, semble indiquer que ce que, naïvement nous pensions impossible, devient petit à petit une probabilité plausible. Exemples : Parle t'on de l'armée ?- On va chercher un général Sénégalais pour soit disant, réformer l'armée. Et au bout du compte, le fameux général fait des recommandations qui ne sont rien d'autre que l'exact plagiat du livre de notre compatriote Aliou BARRY sur l'armée guinéenne. (Titre : Armée guinéenne, pourquoi et comment faire ? chez L'Harmattan). Doit-on surveiller l'évolution du processus de transition ?- On va chercher un autre général Burkinabè sous la tutelle duquel le faux général Sékouba KONATE est placé. Y a-t-il un problème de crédibilité à la tête de la CENI ?- On va trouver encore un général malien des plus corrompus, choisi par le président Amadou Toumani TOURE dont l'intégrité morale n'est plus qu'un lointain souvenir. Je peux citer mille exemples comme cela.
Et ce qui reste encore pour moi inexpliqué ou inexplicable, c'est que les deux principaux concurrents de M. Alpha CONDE ont toujours l'air de croire que le premier fonctionnaire venu du SENEGAL, ou le premier galonné venu de n'importe quel pays d'AFRIQUE est susceptible de leur apporter des solutions. Je ne sais d'ailleurs pas lesquelles. Pour les intimider, parce que je pense qu'ils sont intimidables, le nouveau MAÎTRE de CONAKRY y fait défiler ses « amis » occidentaux (Tony BLAIR, Bernard KOUCHNER .), tous décriés et politiquement dévalués dans leur pays respectif.
Compatriotes ! Il est temps qu'on se ressaisisse. Récupérons notre pays, par tous les moyens. Une cooptation déguisée en élection ne peut légitimer un Président qui pour commencer son mandat, s'affranchit des règles et des instances qui lui ont permis de s'installer à Sèkhoutouréya.
Mamadou Billo SY SAVANE (Rouen)