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BARRY TUTANKHAMON

BARRY TUTANKHAMON

"le savoir est une patrie et l'ignorance une terre étrangère"


Fin de partie pour Laurent Gbagbo, le “boulanger d’Abidjan”

Publié par Le Concurrent sur 13 Avril 2011, 03:11am

Catégories : #politique

 

Laurent et Simone Gbagbo sous garde à l'Hôtel du Golfe.

Arrestation de Gbagbo en tricot, 11 avril 2011

Laurent et Simone Gbagbo détenus à l'Hôtel du Golfe, 11 avril 2011

21h56. Un soldat des forces républicaines d’Alassane Ouattara raconte à l’AFP l’assaut de la résidence présidentielle. « Il y avait des mines un peu partout dans la cour. Nous avons des éléments qui ont été blessés en marchant dessus, raconte le jeune homme. On a jeté des gaz lacrymogènes dans la maison et puis le commandant Vetcho (l’un des chefs militaires FRCI) est entré. Quand il s’est retrouvé face à Gbagbo, devant son bureau, la première phrase qu’il a dite, c’est : ne me tuez pas. »

Ce témoin décrit alors l’exfiltration de Gbagbo vers l’Hôtel du Golf. « Ils lui ont fait porter un gilet pare-balles et puis les commandants ont formé un blocus pour le protéger parce que certains de nos éléments voulaient en finir avec lui tout de suite. On l’a mis à l’arrière d’un 4×4. On l’a fait entrer discrètement dans l’hôtel. Il était protégé par des éléments de la sécurité des FRCI et des gendarmes de l’ONU. Les gars de la sécurité des FRCI essayaient de protéger son épouse de la foule qui tentait de la frapper. On entendait les gens l’insulter, la traiter de sorcière, guenon, escadron de la mort ».

Le président sortant de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, a été arrêté lundi en début d’après-midi. Il est retenu avec ses proches à l’Hôtel du Golf, où est installé Alassane Ouattara, le président élu. Le Ministère français de la défense reconnait « un soutien armé » mais assure qu’aucun soldat français n’a participé directement à l’arrestation. Une version contestée par les proches de l’ancien président.

Abidjan — Ses adversaires l’avaient surnommé le “boulanger d’Abidjan” en l’accusant de rouler tout le monde dans la farine. Arrivé au pouvoir fin 2000 par une présidentielle contestée, Laurent Gbagbo se sera accroché jusqu’au bout. Celui qui promettait la réconciliation nationale laisse une Côte d’Ivoire divisée entre Nord et Sud, musulmans et chrétiens, et dont l’économie autrefois florissante a été détruite depuis la guerre civile de 2002-2003.

Reddition-arrestation de Laurent Gbagbo, 11 avril 2011

Reddition-arrestation de Laurent Gbagbo, 11 avril 2011

Né le 31 mai 1945 à Gagnoa, dans le sud-ouest du pays, Laurent Gbagbo est entré en politique au début des années 1970. Professeur d’histoire-géographie et syndicaliste, ce membre de l’ethnie Bété milite pour le multipartisme dans le pays présidé par Félix Houphouët-Boigny depuis 1960. Son engagement lui vaut presque deux ans dans un camp militaire.

En 1982, il fonde le futur Front populaire ivoirien (FPI). Forcé à l’exil, il obtient le statut de réfugié politique à Paris et ne revient en Côte d’Ivoire qu’en 1988. Deux ans plus tard, le FPI participe avec d’autres groupes d’opposition aux grèves et manifestations violentes qui amènent le multipartisme. Laurent Gbagbo décroche ainsi un siège à l’Assemblée nationale, où il exerce ses talents d’orateur.

En 1990 également, il est le seul à se présenter contre Houphouët-Boigny. Il perd l’élection. En 1992, Alassane Ouattara, Premier ministre et futur dirigeant du Rassemblement des républicains (RDR), lui inflige six mois de prison pour avoir pris la tête de manifestations étudiantes.

A la présidentielle de 1995, le FPI crée avec le RDR (libéral) un Front républicain —qui tiendra jusqu’à l’accession d’Alassane Ouattara à la tête du RDR— pour boycotter le scrutin. Mais le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié, qui a succédé à Houphouët-Boigny mort deux ans plus tôt, est élu.

Laurent Gbagbo n’aura de cesse de combattre ce régime dont il dénonce la corruption et la politique de division ethnique. Après le putsch du général Robert Gueï le 24 décembre 1999, le FPI de Gbagbo entre au gouvernement de transition avec le RDR. Il sera le dernier à le quitter, à la veille de l’élection présidentielle.

Le FPI est alors accusé de collusion avec la junte au pouvoir par le RDR de Ouattara et le PDCI de Bédié, qui n’ont pas été autorisés à présenter des candidats à l’élection, au prétexte notamment qu’Alassane Ouattara posséderait la double nationalité ivoirienne et burkinabée. Recyclant un thème lancé par l’ex-président Bédié, M. Gbagbo et ses partisans n’auront d’ailleurs de cesse d’exploiter le thème de “l’ivoirité” contre Ouattara, l’homme du Nord. Des immigrés burkinabés seront pourchassés et tués dans le pays.

Du coup, Laurent Gbagbo est élu par une majorité d’Ivoiriens du Sud à majorité chrétienne, tandis qu’une majorité d’électeurs du Nord à majorité musulmane, dont est issu Alassane Ouattara, s’abstiennent, ce qui fait ressortir les antagonismes ethniques. Gbagbo reste sourd aux appels à la tenue d’une nouvelle présidentielle.

Il hérite d’un pays dont l’économie a cruellement souffert de la chute des cours du café et du cacao, ses principales exportations, et la situation ne fera qu’empirer après la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002 à Abidjan, qui dégénère en guerre civile.

Laurent et Simone Gbagbo détenus à l'Hôtel du Golfe, 11 avril 2011

Laurent et Simone Gbagbo détenus à l'Hôtel du Golfe, 11 avril 2011

Le Nord tombe aux mains des rebelles tandis que Laurent Gbagbo garde le contrôle du Sud. Un premier cessez-le-feu est signé le 17 octobre, suivi le 24 janvier 2003 par l’accord de paix de Linas-Marcoussis (région parisienne), mais il faudra attendre les accords de paix de Ouagadougou (Burkina Faso) du 4 mars 2007 pour que le calme revienne vraiment.

L’ancien chef des rebelles des Forces nouvelles, Guillaume Soro, est nommé Premier ministre du gouvernement d’unité nationale. Le mandat de Laurent Gbagbo devait s’achever en 2005 mais le président repousse l’élection d’année en année…

Le premier tour de la présidentielle a finalement lieu le 31 octobre 2010, sous l’égide des Nations unies. Laurent Gbagbo devance de peu Alassane Ouattara, qu’il affrontera au second tour le 28 novembre. Les deux camps s’accusent mutuellement de fraudes massives.

Le 2 décembre, la Commission électorale indépendante déclare Alassane Ouattara vainqueur, avec 54,1% des voix. Les Nations unies et la communauté internationale valident ce résultat, mais le Conseil constitutionnel ivoirien, proche de Laurent Gbagbo, invalide des bulletins du Nord et attribue la victoire au président sortant.

Laurent Gbagbo, malgré pressions et sanctions internationales contre lui, son influente épouse Simone et leur entourage — dont le gel de ses avoirs financiers et une interdiction de voyager—, refuse de reconnaître sa défaite. Alassane Ouattara reste barricadé pendant plusieurs mois à l’Hôtel du Golf d’Abidjan sous la protection des casques bleus de l’ONUCI, la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire.

Les efforts de médiation de l’Union africaine, qui l’exhorte à quitter le pouvoir, échouent, et le pays glisse de nouveau dans la guerre.

Début mars 2011, de violents combats éclatent dans l’ouest du pays entre forces pro-Gbabgo et pro-Alassane Ouattara. A la fin du mois, les rebelles s’emparent de la quasi-totalité du pays et parviennent aux portes d’Abidjan, la capitale économique du pays, tandis que 50.000 soldats, policiers et gendarmes pro-Gbabgo font défection.

Mais les derniers partisans de Gbagbo, miliciens et membres d’unités spéciales, opposent une résistance acharnée. La destruction de leurs armes lourdes par l’ONUCI et la force française Licorne début avril sera déterminante dans l’assaut final des rebelles. Laurent Gbagbo se retranche dans un bunker sous sa résidence, avec son épouse et ses derniers fidèles.

Malgré la farouche résistance offerte par ses hommes, Gbagbo sera finalement capturé le 11 avril, la télévision rediffusant à l’envi les images d’un homme fatigué, vêtu d’un maillot de corps.

Le coût humain de ces quatre derniers mois est lourd et Laurent Gbagbo devra sans doute répondre devant la justice ivoirienne, voire internationale, des centaines de morts attribuées pour la plupart à ses forces de sécurité et milices, même si d’autres accusations visent aussi le camp Ouattara. Les violences ont aussi fait plus d’un million de déplacés, selon le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR).

Associated Press / Le Nouvel Obs / Le Monde

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