Alpha Condé dans les filets de l’appareil répressif et de la corruption

Dans son parcours politique Alpha aura  montré un manque flagrant de qualités humaines, qui l’auraient sauvé du guet-apens de la sous-culture ambiante de répression et de corruption en Guinée. Aussitôt entré  en fonction, Alpha  choisit le chemin facile du règne par le chaos. En un temps record, il se révèle comme un concentré des tares de notre histoire. Cynique, fou, criminel, amoral sont devenus les métaphores que l’on utilise pour essayer de décrypter le nouvel épisode de la « malédiction » que le nouveau président représente.  Au comble de l’aveuglement et comme pour conjurer la tragédie au ton biblique qu’est devenue la nation, ceux qui encore rêvent d’un futur guinéen, en arrive à se remettre au destin pour  espérer  (bêtement)  que, vue son âge, Alpha n’aura pas le  temps de parfaire sa machine de division sociale, de répression politique et de règne par la misère. Ils oublient, par naïveté ou par simple évitement, que le fait que cette machine a toujours été là,  intacte et prête à servir, est la raison de l’égarement accéléré d’Alpha et son glissement vers des pratiques que l’on croyait révolues.

Le nouveau président n’a eu aucun mal à réveiller la bête immonde des complots. Même si les temps ne se prêtent pas aux allégations mensongères et aux accusations simplistes, dès après l’annonce de l’attentat, les  sbires  de la terreur du PDG ont rappliqué. Ils ont repris du service et opèrent dans un QG sis  cité des nations, Villa No 44. Leur chef n’a rien d’un novice. Connu par son sobriquet Socrate,  l’homme est un élève du sinistre Siaka Touré qu’il servit dans la fabrication des complots et des listes des personnes à arrêter.   Le parcours typiquement guinéen de cet homme est symptomatique. Il fut d’abord un moniteur d’école primaire. Par un processus mystérieux, il fut enrôlé par Siaka au camp Boiro et y subi sa formation.  Avec  son niveau intellectuel faible, il ne put avoir une bourse de formation dans les écoles police politique des pays de l’est.  Il fut et est resté  une brute non sophistiquée,  formée sur le tas et dans le camp mais dotée d’une extraordinaire capacité de survie.   Après la chute du PDG, il fut arrêté par le CMRN et sa maison, sise à Hamdalaye, fut attaquée. Elle fut sauvée grâce à l’intervention des voisins. Depuis lors Socrate cultive une mystique de revanche.  Il fut libéré après avoir monnayé des services d’espion contre les officiers malinkés avec qui il était emprisonné. Par le jeu de copinage des agents de la répression du PDG, Lansana Conté le nomma comme commissaire de police. Ce tortionnaire actif depuis les purges de 1970-71, pendant « le complot peul » et les tortures  de Telli Diallo, supervisa la formation d’une escouade de tueurs qui étaient en charge d’exécuter des prisonniers à Kassa et à Fotoba et à se débarrasser des corps dans la mer.  L’un d’entre eux fut Babaen Sow qui vient de décéder.

Socrate est aujourd’hui l’un des experts qui supervisent les brutes que sont Pivi, Idi Amine et le colonel Traoré. Il a renoué avec sa spécialité de fabrication des listes des personnes à arrêter.  Contrairement au fameux personnage dont il a emprunté abusivement le nom, Socrate n’a rien d’un philosophe ; c’est un profiteur de bas niveau qui tue et ment pour le profit. La torture et les arrestations sont  pour lui un moyen de subsistance.  Dans le passé, il n’hésitait pas à monnayer des semblants de privilèges aux personnes arrêtées pour s’offrir de l’argent et les faveurs des femmes des victimes. Un parfait élève de son maitre, Siaka Touré.  Sa haine affichée contre les peuls l’a rapproché à Alpha. Il se vanterait auprès de ce dernier de savoir comment s’y prendre avec les peuls. Socrate serait celui qui a conseillé à Alpha de déployer des hélicoptères de combat à Pita à la recherche de Bah Oury. Il aurait indiqué qu’au passage cela va semer la panique parmi les paysans et le leadership de l’UDFDG. Le parti est aujourd’hui presque décapité à l’intérieur. Même si après cette mauvaise farce, les dirigeants sont autorisés à regagner le pays, ils vont surveiller leur dos en se déplaçant. Génial non ?

 Dans le panel des  conseillers d’Alpha, il y a deux personnages en charge de resserrer les rangs des malinkés en ces temps de crise et de fragilité d’un pouvoir nouveau. A coté de Diané, le conseiller privilégié d’Alpha, il y a  Ousmane Kaba. Ce dernier est une figure familière des scandales économiques en Guinée.  Aujourd’hui, l’ancien ministre de Conté est en charge de l’épuration ethnique.  Ousmane Kaba est obsédé par Cellou qu’il aimerait faire arrêter. Après le flop du dossier d’audits et des emprunts non-remboursés dont il  est l’un des auteurs, Ousmane Kaba est revenu à une tâche plus prosaïque. A la présidence il est en charge de s’assurer que les malinkés ont le traitement préférentiel dans les nominations aux postes de l’administration. Il révise avec zèle les projets de décrets et réorganise les listes pour s’assurer que les cadres malinkés sont en pool position. Il commence à faire l’objet de courtisanerie de la part de tous ceux qui sont en quête de poste. Lui aussi a réussi à vendre ses services à Alpha avec l’argument qu’il connait les peuls et qu’il peut déjouer tous les arrangements qu’ils mettraient en œuvre pour déjouer la ségrégation économique. Décidément!  Ousmane Kaba aurait dit tout de go à un homme d’affaires africain venu pour faire des affaires en Guinée (qui a demandé l’anonymat) qu’il devrait enlever de son conseil d’administration le cadre peul qu’il avait cru devoir recruter pour pouvoir pénétrer le marché.

Comme rien n’est parfait, dans le tableau il y a des lésés et des mécontents. Ils participent à leur façon à faire grincer l’appareillage d’Alpha Condé. Au premier chef, il y a l’inénarrable Jean-Marie Doré qui fait semblant de prendre des distances. La raison n’est pas cependant un accès subit de mauvaise conscience morale. Mais plutôt l’amertume d’avoir facilité avec Konaté l’ascension au pouvoir d’un ingrat comme Alpha. Alpha aurait payé certains leaders de la société civile dans la tentative de diversion et de faux dialogue social pour légitimer son coup de recensement électoral. Quand Jean-Marie Dore eut vent du montage, il piqua une colère et se saoula la gueule. Malade et affaibli, il faillit y passer. Quand il reprit ses esprits il monta le capotage des négociations. Non seulement, il rappela que Alpha lui doit en partie sa « victoire » mais il déclara aussi que toutes discussions sans les partis politiques sont nulles et non-avenues. Depuis cette sortie publique, aurait-il reçu sa part dans l’enveloppe? En tout cas on ne l’a plus entendu.  

Ourouro Bah

PS : Dans cette patrie des ancêtres, la canaille a trop pris goût aux dérivés matériels  du pouvoir  sans aucune des contraintes qui va avec, pour l’en défaire par des élections. Vautrée  dans la luxure  de l’argent facile (de la drogue, des ventes d’armes, des pillages des revenus de la bauxite etc.), elle façonnera  toujours en un revers de main des dictateurs véreux, afin de couvrir les caniveaux de ses  prébendes.  Sous l’ombrage de l’impunité où elle prospère, la mafia sans rides bien que vieille de plusieurs décennies,  a du mal à concevoir que ce qu’elle fait est reprochable  à fortiori  punissable. Elle a un mépris hautain  pour le peuple. Elle se moque des notions  de progrès, de justice, d’équité dont elle n’a jamais vu un soupçon de matérialisation pour accepter de troquer ses épais instincts contre les incertitudes  que demande  la démocratie.  Si le phantasme collectif se brise à la réalisation que l’hirondelle des élections n’aura pas auguré le printemps de la démocratie c’est que la psyché nationale a volontairement voulu oublier cette pandémie. Pour avoir, encore une fois, voulu tricher avec notre histoire et refusé de faire l’hygiène de la cité infestée par des assassins narguant leurs victimes, on se mord tout bêtement la queue